3 déc. 2024

PROPPRIETE INDUSTRIELLE ET INTELLIGENCE ARTIFICIELLE GENERATIVE

ABSTRACT DE l’ARTICLE : "BREVET – L’IA EST-ELLE L’INVENTEUR DE SES PROPRES CRÉATIONS ?"

J'ai rédigé un article d'une douzaine de pages (environ 6000 mots, notes comprises), que j'ai l'intention de proposer à la publication en revue. Je ne peux donc pas le publier ici, en tout cas du moins pas maintenant, dans l'attente des retours des comités de rédaction. Je vous en livre cependant un bref aperçu sous la forme de cet abstract, pour le cas où le sujet de l'intelligence artificielle et de la protection de leurs créations par la propriété industrielle (bien plus développé dans l'article que j'ai rédigé) vous intéresserait ou appellerait de votre part des questions juridiques concrètes et pratiques auxquelles je me ferais un plaisir de répondre. Les questions soulevées par l'IA dans le domaine de la propriété intellectuelle sont passionnantes. Et sachez qu'il existe (déjà) des réponses claires et précises !  

L’article aborde les questions juridiques entourant la brevetabilité des inventions créées par une intelligence artificielle dite « générative » et le débat portant sur la possibilité de désigner un système d’IA comme l’inventeur dans le cadre d’un dépôt de brevet d'invention.

Alors que le marché mondial de l’IA générative connaît une croissance très forte depuis une décennie et "exponentielle" depuis 2023 et que la recherche et la concurrence internationale sont intenses (il suffit pour s'en convaincre de penser au nombre de publications scientifiques sur l'IA et de brevets déposés fondées sur l'IA générative déposés aux Etats-Unis et en Chine, par exemple), la question de la protection des inventions "créées" par l’IA ou à l'aide de l'IA appelle des réponses claires et précises et des solutions pratiques afin d’encourager l’innovation et les investissements et d’encourager la recherche et le développement dans un domaine aux nombreuses applications industrielles. 

Or, la plupart des systèmes juridiques exige que l'inventeur soit une personne physique et soit doté de la personnalité juridique. Ce qui pose un "dilemme" juridique pour le déposant et pour l'office de brevets lorsque l'IA « crée » des inventions de façon autonome ou quasi-autonome : peut-elle alors être désignée comme l’inventeur, peut-on désigner l'humain (son propriétaire, son concepteur ou même simplement celui qui se sert de l'IA pour générer des innovations) ou faut-il recourir à un mode de protection distinct et alternatif au brevet (secrets d'affaires ou autre) ? La question, d’abord d'ordre pratique, pose aussi celle, plus large, de l’adaptation des droits internes et international des brevets en vigueur à ce nouvel environnement. Ces droits et ces solutions qui excluent les "systèmes d'IA" du statut d’inventeur permettent-ils encore d’encourager l’innovation dans ce secteur et de protéger les intérêts légitimes des inventeurs, des investisseurs et du public ou bien devrait-il être réformé afin de tenir compte de cette technologie d’IA forte à l’origine d’innovations de plus en plus nombreuses et qui peuvent être utiles au plus grand nombre (santé, pharmacie, etc.) ?

Ce débat suscité par l’affaire « DABUS », un système d’IA créé par un chercheur en IA de l’université du Missouri, M. Thaler, qui a déposé des brevets dans plus d’une douzaine de pays et sur les cinq continents en désignant « DABUS » en qualité de seul inventeur de deux innovations (un récipient alimentaire basé sur la géométrie fractale et une "flamme neuronale" destinée à alerter dans une situation de danger). La réponse des offices et des juridictions saisies des recours de M. Thaler a presque toujours été négative, à l’exception d’un brevet admis par l’office en Afrique du Sud (avec une portée réduite puisqu'il n'y a pas d'examen de contrôle au sujet de la qualité d'inventeur) et d’une décision d’un tribunal en Australie rendue en juillet 2021 (mais réformée en appel en avril 2022). 

L’OEB, comme le Royaume-Uni ou les États-Unis, notamment, ont suivi des raisonnements similaires pour rejeter les demandes ainsi présentées par M. Thaler avec l’aide d’avocats en propriété intellectuelle et du Pr. Abbott, un universitaire britannique à l’origine de The Artificial Inventor Project (voir le site Internet dédié au proejt). Maigre résultat, si ce n’est que le débat a été lancé parmi les experts et dans le public, ce qui était l’un des objectifs du projet. Ainsi, plusieurs magistrats qui ont eu l’occasion de statuer sur cette affaire médiatisée, notamment en Australie ou au Royaume-Uni, ont laissé entendre qu’une IA pourrait être désignée comme inventeur et en tout cas que le droit actuel ne répondait plus qu’imparfaitement aux enjeux de la protection de l’innovation dans le domaine de l’IA.

Mais si le droit des brevets, à commencer par le droit international ou conventionnel, n’était plus adapté et devait être réformé, comme le prétendent certains experts en PI, chercheurs en IA et acteurs économiques, à commencer par MM. Thaler et Abbott, de quelle façon devrait-il l’être ? Création d'un droit sui generis pour intégrer l'IA, admission d'un statut de « co-inventeur » homme-IA, etc. ? Et quelles seraient les implications juridiques d’un tel changement de paradigme ? Le débat reste ouvert en l'état. L'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle a évoqué quelques solutions. Preuve que le sujet intéresse de plus en plus d'acteurs et d'experts et pourrait influencer d'éventuelles réformes ou adaptation du droit dans les mois ou années à venir. 

Toutefois, sur le plan pratique, que faire en l’état du droit positif, sachant que l'IA ne peut être désignée comme l'inventeur et qu'il reste un doute sur la qualité d'inventeur de l'utilisateur ou du concepteur humain dans le cas d'un système d'IA générative créant des innovations de façon autonomes ou quasi-autonomes ? Le déposant propriétaire du système d’IA générative ou l'utilisateur humain de l'IA peut-il se déclarer comme seul inventeur sans courir de risques d'un refus du brevet par l’office ou d’invalidation postérieure de son brevet enregistré, ou bien devrait-il plutôt recourir en pareil cas à des modes de protection alternatifs tels que le secret d’affaires ? Une décision de la Cour Fédérale d’Allemagne rendue en juin 2024 apporte des réponses précises et éclairantes à cette problématique en autorisant, à certaines conditions, un dépôt de brevet en désignant le déposant humain comme inventeur en pareille hypothèse.

Plus d'informations dans l'article à paraître (en revue ou ici), je l'espère prochainement. En attendant, n'hésitez pas à me contacter si vous avez des questions pratiques sur la protection d'une invention fondée sur l'IA ou créée par l'IA, ou tout simplement si le sujet développé dans l'article ou des sujets connexes vous intéressent.

Guillaume LE LU

Avocat au Barreau de Paris
Associé fondateur KOBALT


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